Avec
le fusil, les lunettes sont les éléments les plus importants de l'équipement
du chasseur. D'ailleurs, l'on ne saurait trop conseiller aux amateurs
d'acheter, d'abord et seulement, les lunettes, pour faire du "Tourisme
sous-marin " avant de chasser. Ce terme de tourisme sous-marin peut
surprendre. Il est cependant fort juste. Chaque fois que l'on prête
ses lunettes à "un nouveau ", son premier mot, en sortant de l'eau,
est un adjectif comme "formidable! " ou inouï! " ; jamais une expression
plus faible. En effet, avec l'acquisition de lunettes, " le promeneur
sous-marin " découvre un monde nouveau dont il ne se serait jamais
douté et dont le plus somptueux aquarium n'est qu'un pâle aperçu. En
dehors de la faune et de la flore, l'impression la plus vive, avec la
couleur et le mouvement, est celle du relief des fonds sous-marins.
On a un peu les mêmes réactions visuelles que si, en avion, on survolait
à faible hauteur, de puissants massifs montagneux. Non seulement avec
des lunettes, le nageur a la sensation d'être le nez collé à la glace
d'un merveilleux aquarium naturel, dont les habitants, eux-mêmes parés
de toutes les merveilles de l'arc-en-ciel, évoluent sans crainte dans
un chatoiement de couleurs magnifiques, mais il lui semble survoler
un admirable paysage alpestre avec vallées, pics et forêts paraissant
onduler doucement sous une brise régulière. L'impression de vertige
n'est d'ailleurs pas rare.
Donc,
même si l'on ne désire pas chasser, essayer les lunettes sous-marines
est à conseiller à tout nageur, serait-il très moyen. Il n'aura aucune
désillusion, bien au contraire, et deviendra même probablement un fervent
chasseur. La seule déception possible pourrait provenir de l'endroit
de la première plongée ; donc, choisir des hauts-fonds, récifs ou calanques
un peu sauvages avec une végétation sous-marine apparemment abondante.
Avec cette seule restriction, nous sommes tellement certains de l'émerveillement
et du plaisir des baigneurs porteurs de goggles que, conséquence imprévue,
ils seront incités à rester à l'eau plus longtemps. Il est, en effet,
amusant de remarquer qu'après quelques brasses les nageurs ressortent
presque toujours immédiatement de l'eau, par seul désoeuvrement ; désormais,
grâce à leurs lunettes, ils auront un but, tout comme un promeneur sur
la terre ferme...
Nous
signalons que, dans l'eau, les lunettes déforment légèrement ; c'est
surtout un grossissement des objets rapprochés et une tendance à sous-estimer
les distances en profondeur. On s'y adapte très rapidement, comme à
réduire de moitié la taille réelle des poissons aperçus.
Il
existe aussi une autre curieuse variété de lunettes. Elles rappellent
beaucoup les précédentes mais leur originalité réside en ceci qu'elles
sont entièrement faites en matière transparente genre "Plexiglass "
; elles donnent donc un très large champ de vision. Ces lunettes, fabriquées
à Monaco, et offertes dans le commerce sous le nom de "Panoramiques
", sont très séduisantes. Elles se sont heurtées cependant à la difficulté
primordiale que rencontrent toutes ces lunettes : l'étanchéité. Cet
inconvénient a été surmonté par une fabrication sur mesures et un bourrelet
en caoutchouc mousse qui s'applique étroitement sur la figure. En tous
cas, et malgré l'éventualité d'une mauvaise étanchéité, les lunettes
les plus utilisées à l'heure actuelle sont celles du type " Oeil ".
Il en résulte que nous les employons nous-mêmes et que c'est à leur
profil que nous avons fait nos seules infidélités aux "Monogoggles ".
Leur inventeur ne nous en voudra sûrement pas puisqu'il présente maintenant,
en plus de ses monogoggles, un "Oeil " très simple et bon marché (de
250 à 300 francs environ) sous le nom de "Oeil Américain ".
D'autres
systèmes sont dérivés du casque de plongée. Il s'agit généralement d'une
sorte de caisse, relativement étanche, dont une paroi est vitrée, et
dans laquelle on insère toute la tête, jusqu'au cou. Ce casque est presque
toujours combiné avec un système respiratoire constitué de courts tuyaux
à soupapes. Comme meilleure réalisation de ce procédé, nous connaissons
un casque fabriqué sous brevet du Commandant Le Prieur et appelé, si
nos souvenirs sont exacts, le "Nautilus ". Malheureusement, pour 1a
chasse sous-marine ce casque, malgré ses autres qualités, est trop lourd
et même trop encombrant étant donné l'appareil respiratoire à quadruple
tuyau qui y est adjoint. Au contraire, employé uniquement pour le Tourisme
sous-marin pour lequel il a été d'ailleurs conçu, ce serait un excellent
procédé.
Casque
de promenade avec système respiratoire rappelant de très loin le "Nautilus"
Quant
à nous, après de nombreux tâtonnements et essais, nous avons définitivement
adopté les lunettes monoculaires appelées "Monogoggles ", fabriquées
à Nice par le constructeur du " Fusil sous-marin ". Conçues,
comme le fusil, par un praticien, elles sont, à notre avis, parfaites
et nous ont toujours donné les plus grandes satisfactions. Leur étanchéité,
assurée par un bâti spécial à alvéoles en caoutchouc très souple, est
remarquable. Malgré de nombreuses infidélités, à titre d'expérience
ou d'essai, nous y sommes toujours revenus, et, en définitive, ce sont
celles dont nous conseillons volontiers l'achat au débutant car "l'oeil"
l'inquiétera par la première impression d'étouffement qu'il lui donnera.
Les seuls reproches que nous leur ferions est d'être assez chères (550
fr.) et de ne pas protéger les fosses nasales. C'est pour cette dernière
raison que, avec les plongées plus profondes, la réalisation genre "Oeil"
tend à se généraliser, combinée avec un tuyau respiratoire simple.
Il
existe des lunettes sous-marines, prévues pour les plongées profondes,
à compensateurs de pression. En effet, dès que l'on dépasse une profondeur
de 6 mètres à peu près, la pression de l'eau tend à enfoncer la glace
des goggles. De plus, dans les modèles, genre "Oeil sous-marin ", la
différence de pression entre les parties de la figure protégée par les
lunettes et les parties extérieures créent quelques troublent, notamment
de la vue par congestion des vaisseaux de la cornée. Les compensateurs
évitent ces inconvénients. Ce sont des poires de caoutchouc souple,
de volume calculé, en communication avec l'intérieur des goggles. Etant
plus sensibles à la pression, elles s'écrasent sensiblement, compriment
l'air qu'elles contiennent et l'injectent dans les lunettes où la pression
devient alors un peu plus forte. Il y a donc compensation relative,
grâce à ces poires entre les pressions extérieure et intérieure à la
glace des goggles ; de là leur nom de compensateurs de pression. Nous
n'en conseillons pas l'achat aux débutants ; il vaut mieux que leurs
dons pour la chasse et pour les plongées profondes s'affirment par la
suite.
En
résumé, ces lunettes avec compensateurs n'offrent d'intérêt qu'aux bagarreurs
allant couramment chercher leur adversaire aux profondeurs supérieures
à 6 mètres, et seulement s'ils portent des Monogoggles. Pour les plongeurs
ayant des lunettes genre "Oeil marin ", les poires compensatrices sont
absolument inutiles : il suffit d'expirer par le nez, dans les lunettes,
un peu de l'air qui reste dans les poumons pour obtenir surpression
et compensation.
Georges Kramarenko doté de "monogoggles" avec poires
compensatrices
c)
Les anti-buées.
Toutes
les lunettes, même les "Monogoggles, sont tributaires de la buée, mais
plus ou moins, sur la surface interne de leur glace. Il faut donc l'éviter.
Or, dans le commerce des accessoires d'auto, on trouve d'excellents
anti-buée pour passer sur les pare-brise les jours de pluie. Il faut
simplement éviter de passer trop abondamment ces produits car ils laisseraient
soit des grumeaux soit un léger voile diminuant la netteté de la vision,
ce qui serait un gros inconvénient au cours de la chasse.
Le
moyen le plus simple et le plus pratique pour le chasseur est encore
d'avoir dans son équipement quelques pommes de terre. Au moment de l'emploi
des lunettes, il nettoie la vitre en les trempant dans l'eau et en passant
soigneusement les doigts sur la surface de la glace. Il coupe ensuite
une pomme de terre de façon à avoir une section nette, fraîche et même
juteuse, qu'il appliquera par frottements circulaires contre la partie
interne du verre. Il n'est pas mauvais non plus de " pomme-de-terriser "
également la surface externe. Pour les amateurs étourdis, nous pouvons
donner un truc encore plus simple, sinon plus pratique, mais bon seulement
pour les cas désespérés où l'on n'a pas de pomme de terre à portée de
sa main. Il suffit d'humecter la glace de salive et de l'étendre...
Ce moyen de fortune est donné sans garantie et vaut ce qu'il vaut! ...
Nous signalons en outre qu'une plante grasse, à feuilles épaisses et
de section triangulaire, avec fleurs rouges, roses, mauves, jaunes plates
- que l'on trouve à même le sol sur les rochers ou les terrains sablonneux
avoisinants les plages - constitue un excellent anti-buée de fortune.
A la rigueur aussi : la feuille de cactus.
d)
Précautions d'emploi.
Paragraphe
un peu inattendu pour des lunettes, mais justifié par le souci d'éviter
de désagréables surprises à des amateurs impatients de contempler rapidement
les splendeurs sous-marines. Les débutants ont toujours tendance à entrer
dans l'eau en plongeant plus ou moins brutalement, et cela avec les
goggles sur les yeux. Or si par chance, on ne casse pas la glace des
lunettes, au moins de l'eau entre dans celles-ci ; il faut alors ressortir
de l'eau, nettoyer et recommencer... plus doucement. Eviter donc toujours
les chocs à la suite d'entrées à l'eau ou de plongeons trop brutaux,
qui, de plus risquent d'effrayer le beau gibier qui pourrait se trouver
à proximité immédiate.
Le
long d'une plage, il est facile d'entrer progressivement dans l'eau,
suivant la pente. En eau profonde, l'idéal est de descendre doucement
d'une échelle de bateau ou d'un escalier de jetée ; fréquemment on peut
aussi utiliser les trous de rochers. Cependant, si les circonstances
contraignent le chasseur à se jeter à l'eau, qu'il le fasse en souplesse,
le dos tourné, un peu comme un départ de "dos crawlé". Quant à "la plongée "
proprement dite, nous en parlerons plus loin dans la IIIe partie : "En
chasse ".
Robert
Devaux, Initiation à la chasse sous-marine, 2e édition, 1947