Le système de vision selon Robert Devaux (1940)

LES LUNETTES

a) Considérations générales

Avec le fusil, les lunettes sont les éléments les plus importants de l'équipement du chasseur. D'ailleurs, l'on ne saurait trop conseiller aux amateurs d'acheter, d'abord et seulement, les lunettes, pour faire du "Tourisme sous-marin " avant de chasser. Ce terme de tourisme sous-marin peut surprendre. Il est cependant fort juste. Chaque fois que l'on prête ses lunettes à "un nouveau ", son premier mot, en sortant de l'eau, est un adjectif comme "formidable! " ou inouï! " ; jamais une expression plus faible. En effet, avec l'acquisition de lunettes, " le promeneur  sous-marin " découvre un monde nouveau dont il ne se serait jamais douté et dont le plus somptueux aquarium n'est qu'un pâle aperçu. En dehors de la faune et de la flore, l'impression la plus vive, avec la couleur et le mouvement, est celle du relief des fonds sous-marins. On a un peu les mêmes réactions visuelles que si, en avion, on survolait à faible hauteur, de puissants massifs montagneux. Non seulement avec des lunettes, le nageur a la sensation d'être le nez collé à la glace d'un merveilleux aquarium naturel, dont les habitants, eux-mêmes parés de toutes les merveilles de l'arc-en-ciel, évoluent sans crainte dans un chatoiement de couleurs magnifiques, mais il lui semble survoler un admirable paysage alpestre avec vallées, pics et forêts paraissant onduler doucement sous une brise régulière. L'impression de vertige n'est d'ailleurs pas rare.

Donc, même si l'on ne désire pas chasser, essayer les lunettes sous-marines est à conseiller à tout nageur, serait-il très moyen. Il n'aura aucune désillusion, bien au contraire, et deviendra même probablement un fervent chasseur. La seule déception possible pourrait provenir de l'endroit de la première plongée ; donc, choisir des hauts-fonds, récifs ou calanques un peu sauvages avec une végétation sous-marine apparemment abondante. Avec cette seule restriction, nous sommes tellement certains de l'émerveillement et du plaisir des baigneurs porteurs de goggles que, conséquence imprévue, ils seront incités à rester à l'eau plus longtemps. Il est, en effet, amusant de remarquer qu'après quelques brasses les nageurs ressortent presque toujours immédiatement de l'eau, par seul désoeuvrement ; désormais, grâce à leurs lunettes, ils auront un but, tout comme un promeneur sur la terre ferme...

Nous signalons que, dans l'eau, les lunettes déforment légèrement ; c'est surtout un grossissement des objets rapprochés et une tendance à sous-estimer les distances en profondeur. On s'y adapte très rapidement, comme à réduire de moitié la taille réelle des poissons aperçus.

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
     
   

 

Il existe aussi une autre curieuse variété de lunettes. Elles rappellent beaucoup les précédentes mais leur originalité réside en ceci qu'elles sont entièrement faites en matière transparente genre "Plexiglass " ; elles donnent donc un très large champ de vision. Ces lunettes, fabriquées à Monaco, et offertes dans le commerce sous le nom de "Panoramiques ", sont très séduisantes. Elles se sont heurtées cependant à la difficulté primordiale que rencontrent toutes ces lunettes : l'étanchéité. Cet inconvénient a été surmonté par une fabrication sur mesures et un bourrelet en caoutchouc mousse qui s'applique étroitement sur la figure. En tous cas, et malgré l'éventualité d'une mauvaise étanchéité, les lunettes les plus utilisées à l'heure actuelle sont celles du type " Oeil ". Il en résulte que nous les employons nous-mêmes et que c'est à leur profil que nous avons fait nos seules infidélités aux "Monogoggles ". Leur inventeur ne nous en voudra sûrement pas puisqu'il présente maintenant, en plus de ses monogoggles, un "Oeil " très simple et bon marché (de 250 à 300 francs environ) sous le nom de "Oeil Américain ".

D'autres systèmes sont dérivés du casque de plongée. Il s'agit généralement d'une sorte de caisse, relativement étanche, dont une paroi est vitrée, et dans laquelle on insère toute la tête, jusqu'au cou. Ce casque est presque toujours combiné avec un système respiratoire constitué de courts tuyaux à soupapes. Comme meilleure réalisation de ce procédé, nous connaissons un casque fabriqué sous brevet du Commandant Le Prieur et appelé, si nos souvenirs sont exacts, le "Nautilus ". Malheureusement, pour 1a chasse sous-marine ce casque, malgré ses autres qualités, est trop lourd et même trop encombrant étant donné l'appareil respiratoire à quadruple tuyau qui y est adjoint. Au contraire, employé uniquement pour le Tourisme sous-marin pour lequel il a été d'ailleurs conçu, ce serait un excellent procédé.

 

Casque de promenade avec système respiratoire rappelant de très loin le "Nautilus"

Quant à nous, après de nombreux tâtonnements et essais, nous avons définitivement adopté les lunettes monoculaires appelées "Monogoggles ", fabriquées à Nice par le constructeur du " Fusil sous-marin ". Conçues, comme le fusil, par un praticien, elles sont, à notre avis, parfaites et nous ont toujours donné les plus grandes satisfactions. Leur étanchéité, assurée par un bâti spécial à alvéoles en caoutchouc très souple, est remarquable. Malgré de nombreuses infidélités, à titre d'expérience ou d'essai, nous y sommes toujours revenus, et, en définitive, ce sont celles dont nous conseillons volontiers l'achat au débutant car "l'oeil" l'inquiétera par la première impression d'étouffement qu'il lui donnera. Les seuls reproches que nous leur ferions est d'être assez chères (550 fr.) et de ne pas protéger les fosses nasales. C'est pour cette dernière raison que, avec les plongées plus profondes, la réalisation genre "Oeil" tend à se généraliser, combinée avec un tuyau respiratoire simple.

 

 
 
 

 

Il existe des lunettes sous-marines, prévues pour les plongées profondes, à compensateurs de pression. En effet, dès que l'on dépasse une profondeur de 6 mètres à peu près, la pression de l'eau tend à enfoncer la glace des goggles. De plus, dans les modèles, genre "Oeil sous-marin ", la différence de pression entre les parties de la figure protégée par les lunettes et les parties extérieures créent quelques troublent, notamment de la vue par congestion des vaisseaux de la cornée. Les compensateurs évitent ces inconvénients. Ce sont des poires de caoutchouc souple, de volume calculé, en communication avec l'intérieur des goggles. Etant plus sensibles à la pression, elles s'écrasent sensiblement, compriment l'air qu'elles contiennent et l'injectent dans les lunettes où la pression devient alors un peu plus forte. Il y a donc compensation relative, grâce à ces poires entre les pressions extérieure et intérieure à la glace des goggles ; de là leur nom de compensateurs de pression. Nous n'en conseillons pas l'achat aux débutants ; il vaut mieux que leurs dons pour la chasse et pour les plongées profondes s'affirment par la suite.

En résumé, ces lunettes avec compensateurs n'offrent d'intérêt qu'aux bagarreurs allant couramment chercher leur adversaire aux profondeurs supérieures à 6 mètres, et seulement s'ils portent des Monogoggles. Pour les plongeurs ayant des lunettes genre "Oeil marin ", les poires compensatrices sont absolument inutiles : il suffit d'expirer par le nez, dans les lunettes, un peu de l'air qui reste dans les poumons pour obtenir surpression et compensation.

  

   Georges Kramarenko doté  de "monogoggles" avec poires compensatrices

 

   

c) Les anti-buées.

Toutes les lunettes, même les "Monogoggles, sont tributaires de la buée, mais plus ou moins, sur la surface interne de leur glace. Il faut donc l'éviter. Or, dans le commerce des accessoires d'auto, on trouve d'excellents anti-buée pour passer sur les pare-brise les jours de pluie. Il faut simplement éviter de passer trop abondamment ces produits car ils laisseraient soit des grumeaux soit un léger voile diminuant la netteté de la vision, ce qui serait un gros inconvénient au cours de la chasse.

Le moyen le plus simple et le plus pratique pour le chasseur est encore d'avoir dans son équipement quelques pommes de terre. Au moment de l'emploi des lunettes, il nettoie la vitre en les trempant dans l'eau et en passant soigneusement les doigts sur la surface de la glace. Il coupe ensuite une pomme de terre de façon à avoir une section nette, fraîche et même juteuse, qu'il appliquera par frottements circulaires contre la partie interne du verre. Il n'est pas mauvais non plus de " pomme-de-terriser " également la surface externe. Pour les amateurs étourdis, nous pouvons donner un truc encore plus simple, sinon plus pratique, mais bon seulement pour les cas désespérés où l'on n'a pas de pomme de terre à portée de sa main. Il suffit d'humecter la glace de salive et de l'étendre... Ce moyen de fortune est donné sans garantie et vaut ce qu'il vaut! ... Nous signalons en outre qu'une plante grasse, à feuilles épaisses et de section triangulaire, avec fleurs rouges, roses, mauves, jaunes plates - que l'on trouve à même le sol sur les rochers ou les terrains sablonneux avoisinants les plages - constitue un excellent anti-buée de fortune. A la rigueur aussi : la feuille de cactus.

d) Précautions d'emploi.

Paragraphe un peu inattendu pour des lunettes, mais justifié par le souci d'éviter de désagréables surprises à des amateurs impatients de contempler rapidement les splendeurs sous-marines. Les débutants ont toujours tendance à entrer dans l'eau en plongeant plus ou moins brutalement, et cela avec les goggles sur les yeux. Or si par chance, on ne casse pas la glace des lunettes, au moins de l'eau entre dans celles-ci ; il faut alors ressortir de l'eau, nettoyer et recommencer... plus doucement. Eviter donc toujours les chocs à la suite d'entrées à l'eau ou de plongeons trop brutaux, qui, de plus risquent d'effrayer le beau gibier qui pourrait se trouver à proximité immédiate.

Le long d'une plage, il est facile d'entrer progressivement dans l'eau, suivant la pente. En eau profonde, l'idéal est de descendre doucement d'une échelle de bateau ou d'un escalier de jetée ; fréquemment on peut aussi utiliser les trous de rochers. Cependant, si les circonstances contraignent le chasseur à se jeter à l'eau, qu'il le fasse en souplesse, le dos tourné, un peu comme un départ de "dos crawlé". Quant à "la plongée " proprement dite, nous en parlerons plus loin dans la IIIe partie : "En chasse ".

Robert Devaux, Initiation à la chasse sous-marine, 2e édition, 1947

 

 
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