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Quand les phoques gris deviennent des tueurs02/12/14
Quel prédateur s’en prend donc aux marsouins, de plus en plus nombreux à échouer sur les plages de la mer du Nord marqués dans leurs chairs par des lésions inhabituelles ? Les spécialistes qui se posent la question depuis quelques années tiennent désormais un coupable : des phoques gris qui, jusqu’à présent, ne s’en étaient jamais pris à ce genre de victimes. Ils ont été confondus par leur ADN décelé dans les plaies, comme l’ont démontré Thierry Jauniaux et Mutien-Marie Garigliany, chercheurs au sein du laboratoire de Pathologie animale de l’Université de Liège. Mais les raisons de ces attaques inédites restent encore à déterminer. Les plaies ressemblent à la morsure d’un grand chien. Voire à des coups de couteaux portés par un pêcheur peu scrupuleux. Des lambeaux de chairs parallèles, découpés dans la peau et le lard (la couche de graisse sous-cutanée) des marsouins. En plus de vingt ans de carrière, Thierry Jauniaux n’avait jamais vu ça. Des autopsies de mammifères marins échoués, ce chercheur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’ULg en pratique pourtant près de 150 par an. « Alors les traces de phénomènes nouveaux, je les vois forcément ! » Mais jusqu’en 2011, les cadavres de ces cétacés qui passaient entre ses mains étaient soit morts des suites d’une maladie infectieuse, d’un virus ou de complications parasitaires, soit après avoir été capturés dans des filets de pêche puis relâchés. Puis arriva un premier cas présentant ces traces cutanées pour le moins particulières. Puis un autre, et encore un autre… La piste du chien agressif errant sur une plage ou celle du pêcheur lacérant les corps erronément capturés pour mieux les faire couler ne semblaient guère concluantes. Car ces drôles de morsures, observées sur le cou ou la queue des animaux, leur avaient été infligées avant la mort. « Aussi, les traces n’étaient pas nettes », détaille Thierry Jauniaux en découpant une feuille de papier, tantôt avec une paire de ciseaux, tantôt avec ses doigts. « Dans le premier cas, les bords sont lisses. Dans le second, ils sont légèrement crantés. C’est ce second constat que l’on observe sur les marsouins, donc cela ne pouvait pas être provoqué par un couteau. » Pour identifier leur auteur, la distance entre les extrémités des plaies fut mesurée et comparée aux espaces interdentaires de différentes espèces. Une concordance fut trouvée avec… les phoques gris. Des phoques gris ?! Jamais ceux-ci ne s’en étaient pris aux marsouins, parfois surnommés les « cochons de mer ». La vidéo d’une attaque, tournée par une ornithologue en observation au Cap Gris Nez (nord de la France) ayant eu le réflexe de coller son smartphone à sa longue-vue, confirma pourtant les soupçons. Mais la distance d’observation restait importante et un doute pouvait subsister. Bref, il fallait une preuve, une confirmation scientifique.
Les « Experts » « C’est à ce moment-là que nous avons commencé à jouer aux Experts, sauf qu’il nous a fallu plus de quarante-cinq minutes pour résoudre l’énigme », s’amusent Thierry Jauniaux et Mutien-Marie Garigliany, chercheurs au sein du laboratoire de Pathologie animale de l’ULg. Les résultats de cette enquête viennent d’être publiés par la revue en ligne PLOS ONE (1). Comme souvent dans les séries télévisées américaines, l’identité du coupable a été confirmée en grande partie grâce à l’ADN. Lors d’autopsies de cinq marsouins, des écouvillons – ces longs cotons tiges dont ne se sépare jamais la police scientifique – ont été frottés à l’intérieur des lésions. Etant donné la longue durée de séjour des carcasses dans l’eau de mer avant d’atteindre la plage, les chances d’y déceler des traces d’ADN génomique étaient minces. Par contre, l’ADN mitochondrial se révèle plus résistant. « Il se conserve beaucoup mieux, probablement grâce au maintien prolongé de l’intégrité de la membrane mitochondriale », décrit Mutien-Marie Garigliany. Les analyses ont en effet permis d’en détecter, non pas sur les bords des lacérations, mais là où les coups de dents avaient été les plus profonds. Une empreinte génétique laissée par la salive de l’animal agressif, mais à l’abondance forcément limitée. « Il a donc fallu mettre au point une méthode d’amplification qui allait permettre, à partir de traces d’ADN, d’aboutir à des quantités détectables pour en obtenir une séquence, explique le chercheur. Or rien n’existait dans la littérature pour cette espèce, il a fallu tout mettre au point ». Le recours à l’ADN pour étudier les auteurs de comportements de prédation avait déjà été appliqué dans l’écosystème terrestre, mais jamais en milieu marin. Ce procédé inédit a porté ses fruits : les phoques gris sont bien les responsables de ces plaies. Leur ADN a été identifié sur deux des cinq cadavres. Pour en être tout à fait certains, les chercheurs liégeois ont procédé à un autre test. Avec la tête d’un de ces gros mammifères morts, ils ont simulé une morsure sur une carcasse. Résultat compatible, une nouvelle fois. Une migration qui pose questionPlus de doute, donc, sur l’identité du coupable et même du « meurtrier ». Si ces lésions ne sont pas la cause directe de la mort, elles l’ont probablement entraînée. Quatre des cinq « cochons de mer » autopsiés sont décédés des suites d’un œdème pulmonaire résultant d’une asphyxie. En d’autres termes, les phoques gris auraient tenté de submerger les marsouins jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus respirer. Pourquoi ces attaques ont-elles commencé ? Et, tout d’abord, que font les phoques gris dans les eaux de la mer du Nord ? Il y a encore une dizaine d’années, ils en étaient complètement absents, leur préférant celles du nord de l’Atlantique et de la mer Baltique, et plus particulièrement les abords de l’Islande, de la Norvège et du Royaume-Uni. « Entre 1991 et 2002, je n’en ai pas eu un seul à autopsier, confirme Thierry Jauniaux. À partir de 2002, j’ai été confronté à quelques cas. Aujourd’hui, il y en a de plus en plus ». Même constat pour les marsouins : entre 1991 et 2000, ce chercheur en a vu passer 55. Actuellement, ce chiffre est atteint en moins de six mois.
Si le nombre de ces mammifères marins va en décroissant, la population de phoques gris désormais présente au sud de la Mer du Nord est en train d’exploser. Une migration au détriment d’autres espèces ? Des attaques similaires auraient également été observées sur des phoques communs en Allemagne. Face aux autres mammifères, les phoques gris peuvent compter sur leur imposante stature. Pesant jusqu’à 320 kilos et pouvant mesurer plus de deux mètres, seuls les orques et les requins sont leurs prédateurs. Or ces derniers ne courent pas les plages à la côte belge et dans le nord de la France… Avec une masse maximale qui dépasse rarement la centaine de kilos, les « cochons de mer » ne font pas le poids. Les morsures étudiées par les spécialistes de l’ULg résultent-elles d’une lutte pour attraper les mêmes proies ? L’hypothèse de la compétition alimentaire pourrait être envisagée. Bien que les phoques gris mangent essentiellement des poissons de plus ou moins grande taille et que les marsouins se révèlent beaucoup plus opportunistes en se contentant aussi de petits crustacés, tous deux se nourrissent d’espèces communes. « On peut dès lors imaginer que ces attaques sont un effet collatéral de la surpêche, qui diminue les quantités de poissons disponibles et qui entraînerait une plus grande concurrence », envisage Thierry Jauniaux. De là à penser que les attaques ne relèvent pas de la simple agression mais que les phoques gris se sont mis à consommer du marsouin… Cette explication est parfois évoquée, d’autant que les lésions sont souvent constatées en hiver, époque à laquelle les besoins métaboliques se révèlent plus importants. Mais le pas ne peut toutefois pas être si facilement franchi. Car lors des autopsies, une fois tous les lambeaux de chairs et de lard « reconstitués », aucun morceau ne semble avoir disparu. Pour en avoir le cœur net, il faudrait analyser le contenu des tubes digestifs de ces nouveaux prédateurs pour tenter d’y retrouver des traces de ses supposées nouvelles proies. Or l’organisme des premiers transforme et assimile très rapidement les aliments : en une heure à peine, leur estomac est vidé. Il faudrait dès lors un sacré hasard pour les retrouver sur une plage juste après leur repas ! La faute aux filets ?Autre piste avancée : une hargne provoquée par une trop forte proximité dans un espace restreint. « Parfois, des traces de filets de pêche sont observées sur les corps des marsouins. On suspecte dès lors que les morsures ont eu lieu dans ce contexte de grande promiscuité », poursuit-il, ajoutant que les agressions sont généralement focalisées à certains endroits, aux alentours de Boulogne-sur-Mer et de Dunkerque en France. Or l’espèce des phoques gris est plutôt sédentaire même si, à certaines périodes, ils peuvent réaliser de longs déplacements. « Serait-ce le fait que quelques individus isolés, de mâles adultes, voire d’un seul phoque ? » Là encore, la génétique pourrait permettre d’y voir plus clair. « Pour établir le sexe de l’animal, on serait obligé de passer par l’analyse d’ADN génomique or, à nouveau, on a peu de chances d’en déceler étant donné les longues périodes que le cadavre passe dans l’eau avant d’échouer, développe Mutien-Marie Garigliany. Par contre, grâce à l’ADN mitochondrial, on pourrait déterminer si l’on a affaire à différents individus. Mais pour cela, il faudra d’abord cumuler les échantillons ». Les mystères entourant cette inédite prédation sont encore loin d’être résolus. Pour les deux spécialistes liégeois, ces zones d’ombre ne doivent en tout cas pas donner de grain à moudre aux lobbys à la recherche d’arguments pour relancer la chasse aux phoques. La nature a ses raisons que l’homme peut essayer de comprendre, mais contre lesquelles il peut difficilement agir…
Je rappel que tout ceci ne m empêchera pas d aller pêcher , toutefois ma conscience me dicte que tous mes potes doivent savoir si il y a un danger potentiel.
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