gobie2000 Posté(e) il y a 6 heures Posté(e) il y a 6 heures L’île d’Yeu, c’est un p’tit bout de Bretagne — comme une noisette de beurre demi-sel qui aurait glissé sur elle-même, tiédie par des latitudes plus douces, pour venir fondre à quelques encablures, au large des longues plages vendéennes. Ici, gneiss, granit et quartz se mêlent pour façonner au sud une côte rocheuse et déchiquetée — mon côté préféré —, tandis qu’au nord s’étire un cordon dunaire bordé de plages. Les balades sur le GR au sud dévoilent un paysage qu’on croirait tout droit sorti d’Irlande, d’Écosse ou du Finistère : des rochers sculptés par la mer et le vent, couverts de lichen et de criste marine. Ici, le goéland est roi — et gare à celui qui s’approche trop près de ses poussins… La carte postale est jolie : maisons aux volets bleus, girouettes en forme de poissons ou de dundees — ces anciens thoniers à voile. Pourtant, on sent le poids du tourisme et de l’immobilier. Vu du ciel (ou du Grand Phare), Port-Joinville — débarcadère, port de pêche et de plaisance — étend ses maisons comme une toile, et les villages autrefois isolés finissent par se rejoindre, formant une continuité presque urbaine, de Ker Pierre Borny à Port-Joinville, puis Saint-Sauveur, jusqu’à Port-La-Meule. Bar dans les sargasses Il reste pourtant une zone préservée, de landes rases et de chênes verts, qui s’enroule au sud de l’île. Un dernier bastion sauvage, à l’abri du béton, où la nature semble encore tenir bon face à la pression. On peut y faire de belles balades à vélo, sur un réseau de chemins réservés à cet usage. Tant mieux, car contrairement à certaines de ses sœurs marines, la circulation automobile y est assez présente. Quand c’est possible, mieux vaut donc s’échapper sur l’un de ces petits chemins tranquilles, à l’écart du bitume. Il y a beaucoup à voir et à apprendre sur cette île. Les histoires de fortunes de mer qui entourent ce caillou, le Vieux Château et ses trois siècles de veille sur la côte déchiquetée, la citadelle — triste témoin de l’histoire, devenue prison et mémoire. Et puis, bien sûr, la pêche, omniprésente autrefois, avec ses techniques, ses saisons, ses rythmes… Elle a grossi, grossi encore, jusqu’à parfois épuiser les stocks — filets dérivants, senne — avant que le vent ne tourne. Aujourd’hui, elle paie probablement le prix de ses excès. À Port-Joinville, la zone réservée à la plaisance est bien remplie, quand il reste de la place côté port de pêche. Le Diable (clin d'oeil à EDK et Régis) ________________________________________ Côté chasse sous-marine Côté chasse sous-marine, le programme était simple : deux sorties seulement sur la semaine. Nous étions deux — ma femme (qui ne chasse pas) et moi — du 5 au 12 juillet. L’idée n’était pas de me faire la malle chaque jour avec la combi et ma cariole, mais aussi de découvrir l’île à pied et à vélo, ensemble. Côté pêche : pas d’excès, pas de glacières pleines, encore moins de poisson à "donner aux voisins" parce qu’on en a trop. Ce n’est pas ma manière. Prélever raisonnablement, et manger ce que l’on prend si l’on ne peut pas conserver — c’est pour moi la base d’une pratique respectueuse. Donc vous ne verrez pas de grosses ceintures… mais il y avait du poisson. ________________________________________ Première sortie le lundi 7 juillet, en début de montante, le matin. Le vent de nord-ouest souffle fort depuis la veille, autour de 35 km/h. Je choisis donc un secteur abrité : la plage des Sabias, au pied du Vieux Château. L’eau est glaciale — 13 °C — et je suis en 5 mm ; il faut composer avec. La visibilité est moyenne, chargée de particules, et la houle reste modérée. J’évolue depuis la plage jusqu’au pied du vieux château, à faible profondeur (max 6 m). Beaucoup de vieilles dans le secteur, dont quelques belles. Je croise un dorin en fin de sortie que je décide de prélever. Présence également de sars, plutôt jeunes, signe que le spot pourrait abriter du plus gros. Bilan : un dorin, et le plaisir d’avoir pu chasser dans une zone abritée, au cœur d’un décor chargé d’histoire. ________________________________________ Deuxième sortie à Port-La-Meule, le mercredi matin (9 juillet), en début de montante. Mer calme, ciel dégagé, vent de nord-ouest plus raisonnable, autour de 20 km/h. L’eau est un peu moins froide : 15 °C. Je me mets à l’eau dans le port et pars vers la gauche, en direction de la pointe de la Pierre Tremblante — limite légale de chasse, au-delà c’est interdit à la CSM. Le secteur est vivant, mais bien fréquenté aussi : pêcheurs à la ligne, casiers, et même un filet dangereux car mal balisé. À presque chaque agachon, des chinchards tournent autour. Je vois plusieurs sars, et un peu de bar. Je repars ensuite complètement à droite du port, sur la première pointe. Là, je prélève un sar à l’indienne, puis une belle vieille à trou pour compléter. Une sortie agréable, dans une ambiance plus estivale. Les jours suivants, la visibilité continue de s’améliorer. La mer devient une vraie piscine. Mais nous avions déjà de quoi manger, et le jour du départ approchait. Pas besoin d’en faire plus. ________________________________________ Un point sur la logistique Nous avons passé nos affaires pour une semaine via la Compagnie Vendéenne : une valise, un sac Cressi Gorilla, un étui pour fusil et palmes. Sur place, nous avons loué deux vélos (musculaires) chez Yeuloc, ainsi qu’une remorque — une vieille qu’ils gardent pour ce genre d’usage, et qu’ils ne nous ont même pas fait payer. Je laissais un sac isotherme avec un bloc froid dans la remorque, pratique pour ramener le poisson, ainsi qu’un bidon d’eau chaude pour l’habillage et le rinçage de surface. Je partais avec mes affaires dans un sac étanche orange de chez Décathlon, légèrement modifié pour pouvoir y accrocher une petite bouée Omer. Le tout très visible sur l’eau. Dans le sac étanche : serviette, short, t-shirt, lunettes (j’suis myope), clé du vélo, téléphone. Et l’île d’Yeu n’est pas si plate 😉 La descente vers Port-La-Meule, par exemple… eh bien, croyez-le ou non, mais au retour, ça monte ! ________________________________________ Un mot sur la réglementation Ce qui choque, quand on pratique la chasse sous-marine à l’île d’Yeu, c’est le peu de zones autorisées. On est en 2025, et comme dans bien d’autres endroits en France, on en est encore là… Le CSM, absent ou mal représenté lors des discussions (s’il y en a eu — je n’y étais pas…), semble être le bouc émissaire tout désigné : responsable de la baisse des stocks, du braconnage, des dérèglements du monde marin. Comme un relent nauséabond planant sur notre activité. Mais bon, il faut bien que certains aient leur "réserve"… Les pros et les plaisanciers, eux, peuvent continuer à parsemer la mer de casiers, filets et engins en tous genres, tandis que les clubs de plongée profitent tranquillement des épaves — sans être importunés par la présence d’un homo branchiatus. Ce dernier, lui, se contentera des petites zones qu’on lui autorise, bien balisées, bien réduites… et souvent déjà bien encombrées d’engins de pêche. Mais avec ses quotas, il pourra au moins s’amuser un peu. S’il reste quelque chose à voir. Pour l’anecdote, notre loueuse nous a parlé d’un ami plaisancier qui, avec son "petit filet", a ramené 200 araignées en une nuit. Résultat : des heures à démêler, un filet foutu (tant mieux, et re-tant mieux !), mais personne ne semble y voir de problème. C’est un exemple parmi tant d’autres. Et pourtant, c’est toujours le chasseur qui dérange. ________________________________________ Alors oui, tout n’est pas parfait. Mais l’île reste un petit monde à part, beau, riche, vivant. Nous avons eu une semaine bien remplie, entre balades, coups de palmes et bons repas. Un coin à part, à savourer sans se presser — et qui donne clairement envie d’y revenir. Citer
bubleman Posté(e) il y a 5 heures Posté(e) il y a 5 heures Super récit merci, tu as une belle plume. C'est une sorte de petit reportage qui croque bien l'ambiance locale, j'aime beaucoup la forme. On ressent bien ta passion et ta sensibilité pour le milieu aussi 👌👌 Citer
NicolasP! Posté(e) il y a 5 heures Posté(e) il y a 5 heures Merci pour ce retour très agréable à lire et fort bien écrit ! Citer
JF17 Posté(e) il y a 1 heure Posté(e) il y a 1 heure Bel ambassadeur de l’île d'Yeu! Tant mieux pour ton séjour réussi, et merci pour le partage. Citer
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